Tung Ying Chieh
(Tung (Dong) Ying Kit)
董英杰
8 novembre, 1898-1961

Les principes du Tai Chi

16 principes du Tai Chi selon  Maitre Tung Ying-chieh

Extrait du Livre Rouge

1 – Le taiji appartient à l’école interne de boxe. La force brute (li) sort des os ; la force interne (jing) s’accumule dans les tendons. On n’y recherche, ni dureté de peau, ni développement musculaire. La profondeur du souffle alliée à une ossature solide est sa finalité. Écartant agitation et fatigue inutiles, on cherche à suivre le cours naturel et à cultiver les capacités innées. C’est un travail (gongfu) de retour aux racines et à la source originelle (fan ben gui yuan).

2 – Dans la pratique du taiji quan, il y a trois accomplissements : accomplissement de l’esprit, de la pensée et du corps. Si la position du corps est correcte et si l’esprit et la pensée arrivent là où ils doivent arriver, la progression est rapide. Les sensations sont différentes chaque jour et l’élève doit s’efforcer de les ressentir lui-même.

3 – Si les postures ne sont pas conformes, si l’esprit et la pensée n’arrivent pas à se diriger, même en travaillant jusqu’à la vieillesse, on n’aboutit à rien; c’est comme si on faisait bouillir une marmite vide sur le feu. Il existe un dicton railleur : «Dix ans de taiji quan ne valent pas trois ans de boxe de l’école externe.» C’est pourquoi il faut s’appliquer premièrement. Deuxièmement, pénétrer par l’intelligence. Le niveau de l’entraînement dépend de l’intelligence, mais l’assiduité peut suppléer le manque d’intelligence; effort et persévérance sont indispensables.

4 – Pendant l’exercice, on doit respirer naturellement (huxiziran); ne pas se forcer à une respiration profonde. Lorsqu’on arrive à un niveau élevé, la respiration devient naturellement régulière et homogène. Dans le cas contraire où on forcerait cette respiration, il n’y aurait qu’inconvénients et absence de bienfaits.

5 – Les treize postures du taiji sont, à vrai dire, l’exercice du daoyin. Le daoyin, c’est diriger le souffle (qi) et le sang (xue). À un niveau élevé, le souffle et le sang circulent à un rythme régulier; prévention et guérison de toutes les maladies. Que l’élève se croit intelligent, surtout n’ajoutez rien (zi xuo cong ming); par exemple, en appliquant la langue sur le haut du palais ou en s’efforçant de faire descendre le souffle au dantian (bas ventre). Lorsque le niveau sera atteint, le souffle descendra naturellement au dantian et circulera dans tous les vaisseaux. C’est l’ordre et le principe de la nature. On ne peut pas l’imposer par la force.

6 – Détendre les épaules et baisser les coudes ne signifient pas accumuler la force dans les épaules et dans le dos. Il faut que la force arrive jusqu’à l’avant-bras. Comprendre ceci doit venir de soi-même et ne peut pas être transmis par la parole. L’élève doit s’efforcer de le ressentir et non de le réaliser en suivant les instructions à la lettre, en bloquant les épaules et en baissant les coudes, ce qui empêcherait agilité, souplesse et efficacité.

7 – Redresser le vertex et suspendre l’entrejambe. Pour redresser le vertex, il faut tenir droites la colonne vertébrale et la tête. Suspendre l’entrejambe, c’est faire monter l’énergie par le coccyx. Lorsqu’on concentre la force, la poitrine rentre légèrement et lorsqu’on projette la force, la colonne vertébrale se redresse légèrement. On ne doit surtout pas contracter la poitrine, ni courber le dos.

8 – L’exercice doit être répété au minimum trois fois. La première fois pour assouplir tendons et vaisseaux. La deuxième fois pour corriger les postures. La troisième fois pour coordonner esprit et mouvement. Une fois bien entraîné, dès qu’on se lance, esprit et mouvement se confondent et on progresse très rapidement.

9 – La sensibilité permet d’appréhender la force. Il convient donc de s’exercer assidûment aux tuishou afin de saisir la subtilité d’adhésion – coller et suivre ou céder. Si on n’a pas de partenaire, il faut, sans se lasser, pratiquer les postures et rechercher constamment avec les bras où est la force en imaginant qu’on est attaqué par un adversaire et en se demandant comment le maîtriser. Avec le temps, on arrive aussi à appréhender la force.

10 – Pendant l’exercice de tuishou, on doit chercher attentivement à ressentir et ne pas s’amuser à envoyer l’adversaire dans le décor. Il faut absolument empêcher le partenaire de localiser mon centre de gravité et à tout moment, découvrir où se trouve le sien.

11 – Les exercices de taiji peuvent se faire dans n’importe quelle position; en marchant, debout, assis ou couché. Le principe reste le même : toujours diriger le souffle par la pensée afin de ressentir (acquérir la sensibilité). Par exemple, étudier la sensation dans le geste de prendre une tasse de thé, avec ou sans effort; marcher en levant les pieds, avec ou sans effort. Se tenir debout appuyé sur un pied ou sur deux pieds. On peut faire l’expérience de tout cela.

12 – Au début de l’exercice, on ressent des courbatures dans tout le corps. C’est la transformation de la force brute. Il n’y a pas lieu de s’inquiéter ni de se décourager. Au bout de quinze jours, lombes et jambes deviennent légers et alertes; l’esprit et le souffle s’amplifient.

13 – Lorsqu’on est bien entraîné en postures, on commence à étudier le tuishou pour s’exercer à acquérir les différentes forces. Dans l’art martial du taiji, il y a la force du mouvement collant, la force de suivre, la force de souplesse agile, la force de fermeté, la force interne, la force de traction, la force de frottement, la force de pétrissage, la force d’adhésion, la force d’appui, la force de tâtonnement, la force de pression, la force de pénétration jusqu’aux os, la force de jeter à terre, la force d’accrochage, la force de secouer, la force d’entrer en action, la force minime, la force légère, la force de faire trembler, la force de partir, la force du coup inattendu, la force de mesure, la force de réserve, la force de tirer des flèches, la force d’attente, etc. Plus haut, nous n’avons fait qu’un exposé approximatif. Pour se rendre compte des différentes forces, il faut les rechercher en s’entraînant à la perception. Les rechercher seul est plus difficile; les rechercher à deux est plus facile, car l’homme est un être vivant. En plus de la force d’entrer en action, il possède aussi la capacité d’intuition. Il faut la chercher dans le corps de l’homme. S’il n’y a pas de partenaire et qu’on la cherche dans l’air, c’est comme si l’on tapait dans un sac de sable ou que l’on roulait des boules en acier – c’est totalement inutile.

14 – Le traité sur le taiji dit : «L’énergie» prend racine dans les pieds. Elle chemine dans les jambes, est dirigée par la taille et se manifeste dans les doigts. C’est le principe du développement de la force Oing. Les interdictions sont les suivantes : quand on plie les jambes, le genou ne doit pas dépasser la ligne de la pointe du pied; quand on tend le bras, la main ne doit pas dépasser la ligne du nez; quand on lève la main, celle-ci ne doit pas dépasser la ligne des sourcils; quand on appuie avec la main, ne pas dépasser le creux de l’estomac. Ce sont les enseignements laissés par les anciens. Si on enfreint ces interdictions, on est dépossédé de sa force. La subtilité des transformations est dirigée par la taille; par exemple, si on pousse quelqu’un avec la main droite, de biais vers la gauche et qu’on dépasse la pointe du nez, la force est perdue. Mais si on rentre légèrement la poitrine vers l’arrière en poussant un peu la taille vers la gauche, la force redevient suffisante. Ces changements s’effectuent par la poitrine, mais sont en fait dirigés par la taille. Se manifester dans les doigts signifie que le corps restant détendu et souple, la dureté de la force (jing) se situe dans les doigts. C’est comme si à l’extrémité souple d’une baguette d’acier, il y avait un marteau de fer. Lorsque celui-ci est projeté en avant, rien ne résiste à son coup destructeur. L’élève attentif à approfondir tout ceci pourra plus tard appréhender la véritable force de l’école interne. Ces interdictions ne s’appliquent pas aux procédés spéciaux.

15 – L’homme, comme l’animal, possède des réflexes. Si je lui donne un coup de poing, il va l’écarter avec sa main ou l’esquiver. Il ne reste certainement pas là, immobile, à attendre de recevoir le coup. L’instinct de l’homme est de résister. Les objets immobiles ne sont pas ainsi. Si un sac de sable est suspendu, il reste suspendu sans bouger. On lui donne un coup de poing, il se balance d’avant en arrière. Mais ces balancements ont une trajectoire fixe. Si on le frappe du côté gauche, il va aller à droite; là est la réaction des objets. Ce qui n’est pas le cas pour l’homme. Si on le frappe du poing, il peut résister ou reculer; c’est imprévisible; ce sont des réactions d’homme. Dans les arts martiaux, il y a trois mots clefs : stable, précis, féroce. Tant que j’attends, je ne lance pas la force. Mais dès que je la lance, elle est irrésistible. Comment faire pour arriver à être stable, précis, féroce? Il faut d’abord acquérir l’intuition. Comment l’acquérir? Le lecteur doit regarder dans le chapitre précédent (Au sujet de la pratique de l’entraînement – Texte de maître Wang Zongyue). Si l’adversaire ne bouge pas, je reste immobile. Dès qu’il commence à bouger, je bouge avant lui. Il faut, dans l’instant où il semble qu’il va bouger mais n’a pas encore bougé, ou que sa pensée n’a pas encore surgi et que son corps n’a pas encore bougé, que je prenne les devants et que je lui porte un coup irrésistible.

16 – Certains disent qu’après s’être entraîné en taiji, il ne faut pas soulever d’haltères, ne pas employer la force brute. Ce n’est pas tout-à-fait exact. Avant d’apprendre le taiji, on était plein de force brute; le corps entier était tendu, contracté. Après avoir appris le taiji, tout le corps est détendu, les tendons allégés; le souffle circule sans entrave. Il ne faut pas s’exercer à supprimer la force brute du corps entier, mais il faut la conserver. Par la détente générale, elle devient une vraie force (zhen /jing). Autrefois, on appelait la force brute, luli (lü : épine dorsale), (li : force), car cette force se situe entre les épaules et l’épine dorsale. Elle ne peut pas être dirigée par la taille ni se manifester au niveau des doigts.

 

**Cette version en français provient du site web: Au Fil du temps – http://afdt.chez-alice.fr/TCClecturesavril06.htm

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